La flemme olympique

À l’époque où, en Chine, rayonnait déjà la médecine que je pratique aujourd’hui, avaient lieu en Grèce, à Olympie plus exactement, une manifestation sportive qui, tous les quatre ans, célébrait le lien unissant les hommes et les dieux.

Parmi ces jeux, les lampadédromies, antiques courses aux flambeaux, rendaient honneur au titan Prométhée, qui déroba le feu sacré de l’Olympe, le feu de la connaissance, pour en faire don aux humains.
Cette transmission de la flamme dura une douzaine de siècles, les compétitions sportives offrant un heureux ersatz à un monde toujours prompt à la guerre (notez, de nos jours, l’analogie entre terrains de foot et champs de bataille, avec les armées de supporters bariolés aux couleurs de leur pays cherchant à impressionner celui d’en face, mais ceci est une autre histoire).
Toujours est-il qu’au fil du temps, sur décision d’un empereur romain, les jeux s’éteignirent, et la flamme avec. Ce n’est qu’à l’aube du XXe siècle que les jeux olympiques firent leur retour à Athènes. Et c’est un amoureux fou des symboles religieux et politiques réunis qui décida, en 1936, de ranimer la flamme pour la faire migrer de jeux en jeux, véhiculant avec elle la trouble notion de pureté si chère au cœur du régime Nazi. Si, si, vérifiez.
C’est ainsi que, tout vêtus de blanc, vestales supposées, jeunes et moins jeunes athlètes et quelques peoples en manque de légion d’honneur se relaient pour transporter avec moins de flamme que de flemme, sous les applaudissements d’une foule toujours aussi friande de pain et de jeux, le symbole paradoxal d’une pensée de guerre déguisée en offre de paix.
Ajoutons à cela l’écrin marketing – rappelant une autre épreuve mythique à vélo qui elle aussi a mal vieilli – dans lequel se déroule le parcours de la flamme olympique moderne, et gageons que le pauvre Prométhée, qui en volant le feu aux dieux croyait faire don de la sagesse aux hommes, serait tenté, s’il revenait aujourd’hui, de prendre le dernier relais et de jeter son flambeau dans la Seine.