Comment allez-vous ? Bien, merci.

Un jour, je reçois un nouveau patient. Après les amabilités d’usage, je lui demande quel est son problème.

  • « Je n’ai pas de problème. Tout va bien. »
  • « … Dans ce cas, pourquoi êtes-vous venu ? »
  • « Parce que j’aimerais que ça dure ! »

Message reçu, avec plaisir et amusement. Partant du principe que les parangons en matière de santé sont rares – s’ils existent –, et qu’un équilibrage est effectivement toujours préférable à une réparation, je n’ai pas eu trop de mal à trouver chez ce patient suffisamment de signes à défaut de symptômes, et déterminer chez lui une typologie à défaut d’une pathologie, pour placer quelques aiguilles et donner quelques conseils aux vertus prophylactiques à défaut de thérapeutiques.
Il faut dire qu’ils sont devenus rares, eux aussi, les patients qui préfèrent un médecin qui les ausculte à un laboratoire d’analyses qui dissèque leurs constantes, au risque bien réel de se retrouver sous traitement à vie le jour malheureux où les résultats sont en dehors de clous, sur l’air du « on ne sait pas pourquoi » et du « on ne sait jamais, ça pourrait revenir » (je crois plus sage d’éviter ici d’aborder le sujet du Covid, de la vaccination et de la thérapie génique pour éviter de faire grimper ma propre tension artérielle).
Toujours est-il que c’est dans ce genre de moment que je réalise, en même temps que mes patients, à quel point il est précieux de pouvoir encore pratiquer et bénéficier d’une médecine conçue pour les empereurs, qui vise à entretenir la santé plutôt que de pourchasser les maladies dans des guerres sans fin, en osant appeler cela de la prévention.
Autre épisode mémorable et émouvant, cette patiente qui, il y a quelques jours, arrive en déposant une enveloppe sur mon bureau. Elle me dit qu’elle n’a pas besoin de consultation, mais qu’elle a tenu à conserver son rendez-vous pour venir témoigner et me remercier, car elle suppose – à juste titre – que je dois être habitué à ne recevoir que des plaintes de la part de mes patients. Le genre de consultation où la thérapie a bien lieu, mais à un autre niveau, sans autre « support technique » qu’un échange mutuellement bienveillant et respectueux entre deux cœurs.
C’est également dans de tels moments qu’il m’apparaît de manière frappante que la télémédecine et l’intelligence artificielle ne sont pas à la veille de remplacer la médecine à visage humain.