Les terribles rangements

Le rangement qui précède chaque déménagement me fait tout à la fois l’effet d’une petite mort et d’une petite résurrection.

Une petite mort, car c’est le moment où je dois laisser derrière moi des pans de vie en même temps que je referme dans un cercueil de carton à destination de la déchetterie des documents, vêtements et objets divers témoins d'une vie passée.
Une petite résurrection, car je retrouve par la même occasion, en rouvrant certains cartons que je n’avais jamais vraiment déballés, les souvenirs enfouis qui m’accompagnent de déménagement en déménagement, sans que je n’aie jamais eu le courage de m’en débarrasser, de peur sans doute d’effacer de ma mémoire les moments de vie qu’ils incarnent.
Mais le pire, ce sont encore ces vieilles malles et valises où reposent les choses ayant appartenu à ceux que j’aime et qui ne sont plus là. Se débarrasser de ces ultimes reliques, qui portent encore leurs traces, leur parfum, leur énergie, leurs émotions, me donnerait le sentiment de les quitter pour de bon, de leur adresser un nouvel et dernier adieu.
Alors, juste le temps de les entrouvrir pour prendre une bouffée de souvenir, je referme à chaque fois les vieilles malles, que je transporte de maison en maison. Il en sera sans doute ainsi jusqu’à la dernière d'entre elles, où elles achèveront de reposer dans les parties profondes de ma demeure et de ma conscience.
À la génération suivante de faire un autre ménage, avec d’autres malles, et puis voilà.