Intouchables

Assis près de ma fenêtre devant un bol de café fumant, je vois passer les éboueurs du matin.

Petit signe de la main d’encouragement à ces héritiers jaunes du petit cheval blanc, qui par tous les temps sont là pour ramasser et retraiter nos déchets du quotidien.
L’espace d’un instant, je me dis que je ne suis pas totalement étranger à cette honorable profession. Une partie de ma patientèle se compose de patients dont la médecine ne veut plus, pour lesquels elle ne peut rien, ou encore qu’elle a parfois blessés au lieu de les soigner. Des encombrants en quelque sorte, mais dotés de jambes, et qui au lieu de rester sur le trottoir, entament parfois une errance thérapeutique dans l’espoir d’une nouvelle vie.
C’est ainsi que depuis plus de quarante ans, je fais partie de ces petits centres de re-traitement des scories de la science triomphante, qui au lieu de m’en être gré, me traite en retour comme un intouchable.
Qu’à cela ne tienne, la médecine que je pratique n’a pas l’ego assez développé pour s’en offusquer. Et puis, la reconnaissance de ceux que notre système de santé a mis au rebut vaut tous les titres du monde.